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Journal - suite et fin
- Par fabienne-prajnana
- Le 25/06/2020
Journal, toujours depuis ma grotte parisienne
Pendant quelques temps, je vais continuer à tenir à jour ce journal. Pour faire pendant au journal précédent, tenu pendant le confinement ; pour faire une transition ; parce que j'ai pris goût à vous parler ; pour tenir le registre du déploiement de ce qui a été mis en place pendant le confinement
Lundi 11 mai
C'est parti pour ce qui est entendu d'appeler, peu joliment, un déconfinement. En route pour la liberté, les cornichons ! Pour moi, ce lundi ne va pas être très différent de dimanche. Je vais continuer mes cours de yoga en ligne. Je reprendrai un premier cours particulier en présence samedi prochain, pour un cours qui est tout près de chez moi. Pour les autres cours particuliers, ce ne sera pas cette semaine, en tout cas : je ne me sens pas encore d'aller me jeter dans la gueule du métro, et j'attends d'être peut-être un peu plus à l'aise en vélo à Paris.
Je suis sortie ce matin à 5 h30, comme les matins précédents depuis quelque temps, pour aller écouter le choeur matinal des oiseaux. Il a été un peu plus tardif et moins fort, car il faisait 10° de moins que la veille, il pleuvait un peu, et il y avait un vent très fort : les oiseaux sont comme nous, ils n'aiment pas cela. Néanmoins, le courageux petit merle a fini par commencer, puis les autres après lui. J'ai admiré leur courage. Avec le vent très fort, il y avait beaucoup de très grosses branches au sol , et j'étais inquiète pour Mme Cygne qui couve au bassin de La Villette ; malgré le vent, le froid et la pluie, je suis donc allée la voir. Elle était toujours là, si vulnérable au bord du bassin, sans abri sur son radeau végétalisé. Elle que je retrouvais toujours endormie au matin, était très agitée à se nettoyer et à maintenir sa stabilité. A chaque rafale, elle était presque soulevée. Quel courage et quelle robustesse ! Les canards étaient les seuls contents, à patauger et boire dans les mares.
Une perspective très stressante pour moi pour ce 1er jour de déconfinement : ma voisine, qui fait des travaux très bruyants chez elle depuis la mi-janvier (partiellement interrompus pendant le confinement, mais pas complètement), a annoncé, qu'à partir d'aujourd'hui et jusqu'à jeudi, ils allaient abattre un mur porteur ! Gasp ! A 10h30, ils ne sont pas encore arrivés. Assez symbolique de l'humanité : la reprise = faire beaucoup de bruit en abattant un mur porteur, pour faire des travaux qui ne servent à peu près à rien.
Projet du jour : aller faire une maxi-balade jusqu'aux quais de la Seine.
Bon courage à tous ceux qui reprennent le travail et doivent reprendre les transports. Bon courage à tous les autres.
Samedi 16 mai.
Deux épreuves se sont présentées pour cette première semaine de déconfinement. Deux épreuves, et donc deux opportunités pour progresser spirituellement.
La première concernait donc les travaux de ma voisine et l'abattage de son mur porteur. Cela s'est très bien passé. J'ai supporté sans problème, j'ai organisé mes sorties en fonction de leur travail. De ce fait, ils m'ont offert l'une de mes plus belles promenades depuis le 16 mars. Un itinéraire fait bien des fois pendant le confinement, mais perçu et reçu bien différemment. Autour des Buttes-Chaumont (toujours fermées ). Cela a été un vrai enchantement. Je me suis dit : "tu n'avais encore rien vu, pendant le confinement". Le bruit des voitures avaient repris autour du parc. J'ai été progressivement complètement happée par l'intérieur du parc. Jeux de lumière du soleil à travers les branchages, feuilles et fleurs qui tombent très doucement bercées par le vent, mélodies d'oiseaux dans les espaces les plus touffus et sauvages, composition de couleurs, de formes, d'odeurs et de sons. Digne d'un Blanche-Neige remasterise par un auteur sage et génial. Cela avait finalement un sens d'abattre un mur porteur : être dérangée par le bruit, voilà un mur porteur en moi qui porte bien des choses et vient de loin. Il s'est abattu sans douleur, pour cette fois-ci. Comme quoi, finalement, je ne suis pas une personne que le bruit dérange. Je ne suis pas cela. Merci les travailleurs.
Je resterai un peu discrète sur les circonstances de la deuxième épreuve qui a pesé beaucoup plus lourdement sur toute la semaine (et qui continue à le faire). Elle s'est manifestée en fanfare, dès le lundi, à 17h. Une voix en disharmonie avec le beau concert général. Cela m'a bien chamboulée.
Après cela, le mardi matin, je suis sortie, comme d'habitude, à 5h30 pour écouter le choeur matinal des oiseaux autour des Buttes-Chaumont. Mais ce choeur était parasité par la voix en disharmonie qui résonnait en moi. en disharmonie. Humains comme nature, qui se coulent dans le chemin qui a été proposé, ordonné ( "ordre", quel beau mot, finalement, pas seulement une obligation, mais respecter un ordre pour que chacun puisse prendre sa place d'une façon harmonieuse dans le choeur ). Dans une sanisette, au bord du bassin de la Villette ( ça rime, on reste encore dans le chant et la musique), il était écrit sur un mur : "l'art de la patience est de contenir ses émotions afin de faire face aux epreuves". Dans ma sanisette, c'était ce que, assise, j'avais besoin de lire pour retrouver mon assiette ( = être assis, et "assiette" ça rime toujours). De retour chez moi, j'ai écrit la phrase sur un papier et commenté. Une épreuve = une opportunité. Une opportunité pour pratiquer. Une opportunité pour pratiquer = une opportunité pour être plus libre, pour être plus heureux. Dans une sanisette, la voix du maître peut se faire entendre, comme un nénuphar qui naît d'un étang bourbeux. Une voix piaillante et disharmonieuse, peut être la voix du maître, déguisée, venue pour nous éprouver dans notre confort, nos marques trop bien établies, afin de s'asseoir plus profondément dans la paix. Rien ne doit troubler la paix. Rien ne peut me voler le choeur matinal et parfait des oiseaux. L'ensemble suit son cours, à l'extérieur comme en moi. Il y a beaucoup de chemin à faire encore, autour de cette épreuve.
J'ajouterai. La sanisette sage au bord du bassin de la Villette, je la rencontre quand je vais prendre, chaque jour, le darshan de Mme Cygne qui couve ses sept oeufs sur le radeau végétal du bassin de la Villette, depuis début mai. 34 jours de couvée, sans pratiquement bouger, sauf pour ramener des brindilles plus près de soi. Ça, c'est de l'art de la patience. Si elle se lève avant, ses sept merveilleux cygnes en train de se former ne pourront jamais voir le jour. Le temps n'est pas venu. Voilà pour la voix piaillante du dehors, et j'ai raison d'attendre et de continuer à attendre en respectant les délais ordonnés (dans l'ordre). Mais, pour moi, il est où l'art de la patience ? - Contenir ses émotions, donc. Même si je n'aime pas trop le terme ( cela reste une sanisette, elle peut faire quelques erreurs dans les mots) : laisser se déployer le jeu des émotions et observer ce qu'elles drainent avec elles dans leur sillage. Et patienter : prochainement, je pourrai observer ce qui va éclore de cet oeuf, quoi que ce soit, être prête à tout. Le vilain petit canard peut se révéler être un cygne très gracieux. Mme Cygne m'a donné de grandes leçons le matin, juste avant l'apparition de l'épreuve et de ma tempête personnelle. Une leçon de force et de patience. Après une nuit dans le froid, la pluie et un très grand vent, elle était toujours présente sur sa couvée, robuste en même temps que vulnérable, à la merci de tous les dangers. Elle était très active ce matin -là, elle se nettoyait et luttait pour maintenir sa stabilité face au vent, et sa chaleur, pour elle-même et sa couvée, toute son attention concentrée, gracieusement et tendrement, vers l'essentiel.
18 mai
Hier, je suis allée me promener dans la forêt de Fontainebleau, comme bien d'autres humains. Il y avait du monde mais cela n' était pas gênant, tout le monde était tranquille et heureux, cela faisait du bien de se retrouver parmi les arbres et de fouler la terre et le sable.
Je me suis demandée ce que pouvait faire Sylvain Tesson en ce jour-là. Peut-être pas plus malin qu'un autre. Ou bien il s'est trouvé un coin tranquille connu que de lui-même, ou bien il n'est sorti qu'à la nuit, ou bien il est resté dans son appartement parisien, ou bien il est parti à 160km. Ou bien il n'est pas plus malin qu'un autre.
22 mai.
Mercredi, je suis allée dans la forêt de Montmorency. Arbres, oiseaux, branches, tortues, château. Hier, je suis allée dans la forêt de Rambouillet. Pins, grillons, rhododendron, ponts, sentiers sablonneux en montagnes russes.
Aujourd'hui, quatre cygnes sur sept ont éclos. C'était bien joli.
A midi, Olivier a fait une annonce :"Normalement, à la fin de l'année, je vais prendre une colocation avec Victor". Diable, ça c'est du déconfinement! Brrrrrr. Mme Cygne, profitez bien de vos bébés. Je me sens perdue. Comme une fin de vie.
25 mai
Les 100km. Hier, je suis allée en Normandie. A Amfreville-sur-Iton. Bucolique à souhait. Rivière, champs de boutons d'or à perte de vue, coquelicots, champs de blé, bois, ânes.
Lundi prochain, tout va ouvrir, reprendre, très probablement. Je me suis peu entraînée au vélo pour pouvoir assurer cette reprise.
Bon, encore une ou deux forêts à 100km...
28 mai
Bientôt, une reprise d'une bonne partie de mes activités en présence...
Bilan de ces 3 dernières semaines :
Le côté éprouvant. Avec trois visages :
- La voix discordante, se faisant entendre régulièrement et abondamment depuis le 15 mars, et de plus en plus fréquemment et discordante depuis le 11 mai. Très éprouvant. Gros travail avec tout cela, ressenti très pénible à affronter.
- Les travailleurs d'à côté, dirigés à distance par ma voisine. On dirait qu'ils ne viendront jamais à bout de ce mur porteur qui a dû trop en porter, depuis beaucoup trop d'années;
- Olivier, qui doit partir en colocation avec Victor à la fin de l'année. "Normalement". On verra ce que disent les normes, à la fin de l'année. Pas facile de laisser partir le grand canard, prêt à s'envoler.
Ces trois visages, c'est le côté inamical de la vie. Le dieu Shiva qui détruit. Sous ces visages, la vie semble ne pas m'aimer, se moquer de moi, vouloir me jouer des tours cruels et pervers.
La Douceur, portée par deux figures essentielles, pendant ces trois semaines :
- Les Cygnes. La maman Cygne, qui couvait depuis la fin avril, a fait éclore quatre adorables cygneaux. Toute la famille, bien protégée par papa Cygne, glisse majestueusement sur le bassin de la Villette, maintenant. Somptueux mais vulnérables ; un cinquième n'a pas survécu, deux oeufs n'ont pas éclos : Mme Cygne continue à les couver de temps en temps, mais les abandonne de plus en plus. Leur beauté éblouit les yeux et l'âme. Je vais les voir presque quotidiennement.
- Les forêts, à 100km autour de Paris. Délices. Odeur des pins, des chênes, de la terre.
Ces deux images, Cygnes et forêts, sont l'antidote aux mauvais visages. Je peux m'y ressourcer, y trouver force, paix, légèreté, sérénité, gratitude.
Je mérite la paix. Ne jamais oublier cela. Ne jamais oublier d'être heureux.
30 mai
Retour aux Buttes-Chaumont.
La vie s'amuse. Mes deux figures douces. La première : les cygnes. Un cygneau est décédé entre hier soir et cet après-midi, j'ignore comment. Ils sont si vulnérables, malgré les soins très attentifs de leurs parents et la force de M. Cygne qui sait se montrer terrible dès que l'on s'approche de ses petits. Cela n'a pas suffi. J'espère que les trois autres survivront. Les parents se donnent tant de mal. La petite troupe a l'air un peu épuisée. Tout cela crève le coeur. Et je ne pourrai plus me reporter à leur image pour y trouver douceur et réconfort.
Maître Dogen : "Les fleurs tombent avec nos regrets. L'herbe pousse à notre déplaisir "
La deuxième figure douce : les forêts. Quant à elle, la voiture est au garage depuis mardi. Il faudra se passer de forêt demain et rester à Paris.
Il faudra aller chercher plus profondément la paix.
Ce soir, je vais manger de la glace au chocolat.
Ps : les jeux de la vie. Au moment de publier cette mise à jour, on m'annonce : "Je vais chercher la voiture, elle est prête ". Cela ne fera pas ressusciter le cygneau, mais demain, il devrait y avoir forêt. Je mangerai de la glace au chocolat tout de même, ce soir.
1er juin.
Hier, retour à la forêt de Fontainebleau, dans un coin inhabituel. Très beau et sauvage. Des endroits avec pas mal de monde, mais aussi des chemins, presque seuls Cela sentait merveilleusement bon. On était clairement mieux là que sur les quais de la Seine. Olivier nous a honoré de sa présence.
Finalement, les trois semaines qui viennent ne devraient pas être différentes, au niveau de mes activités , aux trois semaines qui ont précédé. Peut-être juste reprendre plus complètement les cours particuliers. Et puis, les surprises, qui peuvent être grandes.
2 juin
Journée identique pour moi à ce qu'ont été mes journées depuis 2 mois .
J'ai cherché les cygnes partout, en vain. Peut-être cachés quelque part dans l'herbe à l'ombre, en cette chaude journée. La veille, j'avais vu la petite famille, plus tonique que la fois d'avant. M. Cygne s'investit davantage pour aller chercher les algues au fond pour ses petits, et ceux-ci les mangent mieux. Donc peut-être bien parti, maintenant, pour Riri, Fifi et Loulou. Ils semblent se méfier davantage des humains et prendre leurs distances ; je ne sais pas ce qui a pu arriver au 4ème devenu un ange... Ils deviennent difficiles à voir maintenant, quelquefois une randonnée... tourner cette page-cygnes ?
4 juin
Hier, j'ai vu les cygnes. Ils étaient beaux, ils allaient bien.
Aujourd'hui, je me suis un peu forcée pour ne pas aller les voir. Je suis allée aux Buttes-Chaumont. Il avait plu et il y avait donc beaucoup moins de monde et personne sur l'herbe mouillée, en dehors des bernaches et des colverts. J'ai retrouvé ainsi mes Buttes-Chaumont. En 5 jours, les humains n'ont pas encore trop eu le temps de salir et d'abimer, l'herbe est très haute, par endroits, avec des plantes sauvages, "des mauvaises herbes", comme il est dit souvent. Pendant notre absence, les canards et oies ont pris leurs aises, et dès que l'on n'est plus sur l'herbe, de nouveau, ils y reviennent, pour dormir, ou avec leurs petits ; ils ne faisaient jamais cela avant, se cantonnaient de l'autre côté, inaccessible aux humains. Les bernaches étaient avec leurs trois petits déjà très grands, des ados, il y avait un vrai dortoir de colverts, becs retournés dans les plumes. Ils sont bien plus beaux que nous. Quelquefois, j'aurais envie que le parc soit fermé pour qu'il ne reste rien qu'à eux. Nous abimons tout, nous crions pour parler, tout cela n'est ni fin, ni beau, ni harmonieux. Autour, j'entendais tout le vacarme des voitures, et je n'ai pas eu envie d'aller au-delà du parc, parmi ces voitures. C'était une très belle promenade paisible, il y a des arbres magnifiques, de bonnes senteurs, les oiseaux chantent, malgré nous.
Il faudra que je recommence à sortir très tôt le matin pour venir dans ce parc à l'ouverture, ou bien quand il pleut. D'un autre côté, ce serait bien aussi que je reprenne le métro pour aller donner mes cours particuliers, rentrer dans le flux de reprise plus complètement et prendre confiance. Et aussi, aimer davantage l'humanité. Depuis le déconfinement, j'ai un peu de mal avec cela, le retour du bruit des voitures, mais aussi le retour du bruit des humains : ils sont à 20 cm les uns des autres et se parlent comme s'ils étaient à 6 m ; même en forêt, ils font comme cela. Un peu envie de vivre dans une cabane au fond d'une forêt déserte et ne parler qu'avec les arbres et les oiseaux. Mais le temps n'est pas venu pour cela, j'ai encore des choses à accomplir parmi les miens, et cet inconfort acoustique devrait me passer.
Allons donc, maintenant, gaiement écouter le bruit des humains...
Comme un PS : j'ai encore regardé très longuement les cygnes, aujourd'hui, avec leur long cou flexible, si fonctionnel pour aller chercher très profondément les meilleures algues pour leurs petits. Les humains sont aux terrasses; de ce fait, les bords du canal étaient plutôt silencieux, cet après-midi, même un samedi après-midi, avec un temps frais mais agréable... Chacun était bien à sa place. Et moi je regardais les cygnes.
7 juin
Aujourd'hui, une petite randonnée autour de la réserve naturelle de Moisson. Sur les 8 km de chemin parcouru, je n'ai croisé absolument personne, sauf des centaines de papillons. Pas aujourd'hui encore que je serais allée accueillir le bruit humain. Demain. Ou après-demain.
12 juin.
C'est parti ! Aujourd'hui, j'ai pris pour la première fois le métro. Et mis pour la première fois un masque. C'était trop bien. Surtout, le masque. Non.
Si, un peu. Je ne sais pas comment est le métro en heure de pointe, mais à 10h et à midi, c'est vraiment tranquille comme jamais. Cela fait plaisir d'être tranquille sur son siège à lire Sylvain Tesson, et pas à côté d'un homme aux larges épaules ou genoux relâchés. Ah oui, et je réalise maintenant pourquoi c'était si silencieux : personne ne telephonait ! Peut-être du fait que tout le monde (ou presque) a un masque, c'est peut-être moins commode. Le masque, c'est une horreur, on ne respire plus. Mais, globalement, finalement, je me suis trouvée plus tranquille et plus dans le silence, dans le métro qu'en vélo.
Samedi 13 juin
Y'a d'la joie partout. En tout cas dans mon quartier. Tout le monde sourit et rit. Le grand Vilain est parti. Ou quasi-parti.
Dimanche 14 juin.
Je suis allée dans la forêt de Claye et de Rochefort, près de Rambouillet. Prendre un peu de sagesse auprès du silence des Arbres. J'ai croisé deux grenouilles, une musaraigne, un lézard, trois chevaux blancs très heureux, beaucoup de scarabées, des papillons blancs et un papillon bleu, de hautes fougères, des chênes, des bouleaux, des pins. Quelques humains, très peu.
Du coup, maintenant, Paris est en ZONE VERTE
Jeudi 25 juin
Un dernier mot ici. Cela a été une vraie bourrasque dans ma vie, depuis le 16 juin. Des arbres arrachés, des maisons sans plus de toiture, bien des choses déchiquetées. Que va -t-il sortir de cela. Pour le moment, j'ai un peu le sentiment que rien ne va sortir, juste une terre dévastée et rocailleuse où rien ne peut plus pousser
Néanmoins, quelques pistes trouvées, auprès des meilleurs :
Sylvain Tesson, remarquant les consignes en cas d'incendie : "En cas d'incendie. Fermez la porte. Partez. Et ne revenez pas en arrière"
Swami Prajnanpad : Parce que vous êtes tombé à terre, relevez-vous en prenant appui sur la terre même sur laquelle vous êtes tombé / tout mouvement se produit en repoussant en arrière / le fait de rejeter s'effectuera de lui-même parce que vous avancez / Vous allez grandir hors de cela, automatiquement, c'est votre plénitude. Les choses sont rejetées en arrière. Abandonner quoi que ce soit est faux. Les choses seront abandonnées, elles glisseront entre vos doigts. L'homme devient le Seigneur de lui-même.
Ramana Maharshi : Ne faites aucun effort dans l'action ou dans le renoncement. L'effort est une servitude. Ce qui doit arriver, arrivera. Toutes les actions s'accompliront d'elles-memes.
Ce qui reste de moi dit : C'est effrayant ce que dit toute cette sagesse. Après la bourrasque qui a tout arraché et dévasté, depuis, à chaque démarche que je tente pour reconstruire un cabanon de fortune quelque part, c'est l'échec qui me cerne. J'ai, en effet, tout à fait le sentiment que tout me glisse entre les doigts. Et je ne me sens pas prête pour cela. Et je sais que cela ne sert à rien de n'être pas prête, cela n'empêchera jamais les choses de glisser entre les doigts si c'est là leur pente. Par exemple : on peut ne pas être d'accord pour mourir maintenant, tout de suite. N'empêche. On meurt.
Swami Prajnanpad : vous agissez poussé par l'action et la réaction. La vie fonctionne toujours par action et réaction. Les hauts et les bas sont différentes formes en mouvement. Le mouvement va de l'avant en passant par des hauts et des bas. Vous ne pouvez pas fixer votre attention seulement sur les hauts, parce que les hauts et les bas sont les deux modes de progression.
La dame, dans le bas du bas dit : oui, j'avais eu le projet d'aller voir le grand Canyon, cet été. Cela n'est plus gênant que ce projet doive aussi être annulé : je l'ai en direct, à l'intérieur de moi, pour un bon petit moment on dirait... avant que cela remonte?