Articles de fabienne-prajnana

  • Samasthiti, la posture debout

    Fuji

     

    SAMASTHITI,  la posture debout. Sama : égal, sthiti : état.

    Ou TADASANA, la posture de la montagne.

    Pouvoir se tenir debout est fondamental, vital, aussi bien physiquement que mentalement.

    Il est important de le faire avec conscience, justesse et précision, et laisser résonner cette justesse dans ses pensées, ses paroles, ses actions.

    En yoga, se tenir debout est un art. Combiner l'égalité d'esprit et l'équilibre des forces et des lignes, à la force de la montagne. Si la posture debout est comprise et pratiquée avec perfection sous tous ses aspects, toutes les autres postures seront parfaites. 

    Les bandhas, ces foyers d'énergie sont activés et permettent au corps de s'aligner correctement et à l'énergie de circuler harmonieusement et librement.

    Si la posture debout est relâchée, le poids du corps vient à l'avant des pieds, le ventre est relâché,  le bassin vient en avant, l'espace du bas du dos est rétréci ce qui peut provoquer à la longue des pincements au niveau des vertèbres,  le haut du corps est soit relâché en avant avec les épaules fermées et la tête en avant, soit trop en arrière par rapport au bassin et le menton vers le haut avec un tassement des cervicales. Rien de bon pour le corps et l'esprit.

    Pour corriger ce relâchement et ces mauvais alignements, il faut commencer par les pieds, la porte et les racines du corps qui portent tout son poids, et fidèles serviteurs si l'on prend soin de sa posture. En yoga, les pieds sont parfaitement parallèles,  et parallèles au bord extérieur du tapis, les talons doivent donc être légèrement poussés vers l'extérieur et les adducteurs dans une très légère rotation interne. Le centre du genou doit résister activement pour rester parfaitement de face, comme un oeil.

    Le premier foyer d'énergie que l'on verrouille est en bas de la colonne vertébrale, mula bandha. On active la pointe du coccyx vers l'avant et l'intérieur, activant également le perinée. Tous les muscles du plancher pelvien sont soulevés vers le nombril. Si cela est fait correctement avec énergie,  cela peut suffire pour corriger toute la posture et activer tous les autres points, naturellement.

    Les muscles du bas- ventre, sous le nombril, sont rassemblés vers le point d'énergie situé au centre. Uddhiyana bandha. Cette activation produit une sensation et une action réelle et subtile de rapprocher les deux ailes du bassin ensemble et d'élargir l'espace du bas du dos qui en est très reconnaissant.

    Le poids du corps passe dans les talons accroissant la conscience de tout l'arrière du corps avec un sentiment de force prenant le dessus sur la vitrine habituelle et moins substantielle de l'avant du corps.

    Les épaules sont détendues, ouvertes, sans tension. Les cuisses sont fermes et fortes. On peut activer plus volontairement les quadriceps en remontant les rotules vers le bassin.

    Quand on active  le coccyx vers l'intérieur, il faut veiller à ne pas se tasser pour autant dans son bassin. Il faut, au contraire, prendre appui sur ce verrouillage pour sortir de son bassin. En yoga, on cherche toujours à créer l'espace maximum entre le bassin et la cage thoracique. A partir du bassin, on étire tous les muscles de l'abdomen et du dos vers le haut. Sans jamais sortir les côtes vers l'avant. Prenant racine dans l'énergie des pieds, du perinée,  du coccyx, tout le corps à partir du bassin, est propulsé vers le haut. Le chakra du plexus solaire (manipura chakra), et le sternum sont deux foyers d'énergie qui doivent être mobilisées pour diriger cet étirement vers le ciel.

    Si la respiration devient difficile,  si le corps se contracte au niveau des épaules, de la poitrine, des côtes,  du visage, c'est que l'activation est trop forte pour un pratiquant débutant et l'activation des zones du corps mal située. Cela nécessite du temps, de la régularité,  de la concentration et de la patience pour réveiller des muscles et des foyers d'énergie endormis. Avec la pratique, l'ensemble de la posture est très ferme et active, mais aisée,  la circulation de l'énergie est harmonieuse, la respiration, par la cage thoracique, sur les côtés,  est ample et régulière. La posture debout est alors un dessin très harmonieux équilibrant des points de force très énergiques et des lignes plus douces ( lumière et respiration du visage, de la nuque, des épaules). Comme un Bouddha en posture debout.

    Debout ! Laissez la force de la montagne grandir en vous. Bonne transformation 

     

     

     

     

  • Pourquoi méditer. Ou pas

    Je ne veux pas écrire, ici, un article sur les bienfaits de la méditation.

      En fait, je ne crois pas qu'il y ait  des bienfaits engendrés par la pratique de  la méditation. La méditation ne fait pas du bien.

      Tout au plus, on peut s'aventurer à dire  qu'il semblerait que la pratique de la méditation pourrait quelquefois transformer (pas toujours, on peut souvent observer certains cas de sclérose, de fossilisation, même). D'autres fois (encore beaucoup plus rarement mais ceci devient, rapidement, le but des pratiquants réguliers ou même du novice déterminé) : faire basculer tout à fait la vision du monde et faire Un avec celui-ci.

      Je voudrais simplement explorer quelques pistes autour de cette question :

       Pourquoi s'asseoir, pour méditer, une, deux fois, six fois par jour?

       Pour un quart d'heure, une demi-heure, une heure, quatre heures?

       Swami Prajnanpad a dit, un jour,  à ce propos, à l'un des ses élèves : "Non, ne faites pas de méditation. Cette recherche d'une conscience lucide continue est en elle-même une méditation. La méditation, ce n'est pas rester assis à la même place comme une vache. Non. Vous devez avoir une conscience lucide".

       Voilà qui est direct et semble donner une réponse claire à la question.

       Toutefois, Swami Prajnanpad, questionné par le même élève (ou un autre élève), un autre jour, à propos de la méditation, lui donnait des indications précises sur la nature de la méditation et la manière de procéder. Et aussi, sans être questionné, lui recommandait de trouver un moment dans la journée, toujours à la même heure, pour relaxer complètement son corps et son esprit.

       Il n'y a pas de réponse définitive, dans ce domaine, et pas de réponse identique pour chaque personne. Pas de recette pour l'Eveil. Nous entrons dans un domaine où le paradoxe doit être cultivé , si nous ne voulons pas que la méditation devienne un nouvel exercice pour se  rétrécir encore davantage dans nos certitudes

       Dans la Voie du Zen, méditer, faire zazen, c'est le Chemin même.

       Dans d'autres voies, la méditation est l'un des outils, parmi d'autres, dans ce qui est identifié par l'aspirant comme un chemin vers sa Libération et la Réalisation de Soi.

       Dans les débuts d'une pratique, de yoga ou autre, la méditation est quelquefois employée comme un outil de bien-être, pour se calmer, se concentrer, s'ordonner, au même titre qu'une quelconque technique de relaxation, et elle remplit, souvent, de façon très satisfaisante, le rôle qui lui est ainsi attribué.

       Que faire et décider, donc, pour soi-même ? Comment comprendre la place que l'on veut faire (ou pas ) à la pratique de la méditation dans sa vie?

       Dans ce genre de domaine, force est de constater que, la plupart du temps, on ne choisit rien, réellement. De méditer ou pas, et quelle technique de méditation on va décider être la plus juste pour la mettre en pratique.

       Les opportunités se présentent, comme divers messagers, où l'on est, en réalité,  à la fois l'expéditeur et le destinataire, et l'on est attiré, absorbé, intéressé, ou l'on passe à côté sans s'arrêter, et  tout semble une affaire d'histoire, de sensibilité personnelle ( de karma, de destinée, dans une autre perspective ou, dans une autre perspective encore, de coloration du rêve personnel).

       Si l'on ne choisit rien, réellement, pourquoi se questionner, alors?

       Quelques pistes encore.

       Ne pas confondre nager avec le courant et s'enfoncer dans la torpeur et la paresse.

       Peut-être qu'il n'est pas nécessaire de méditer pour se réaliser pleinement, selon la représentation que l'on se fait, à chaque nouvel instant, de ce qu'est cette complète réalisation, ou selon les tentatives que l'on fait de n'en avoir aucune représentation.

      Peut-être bien, même, que cela ne sert à rien. Cela arrangerait bien ma paresse.  : "je n'ai pas envie de méditer, je n'en ai pas le courage" se transforme en un confortable : "je n'ai nul besoin de méditer". Cela arrange bien ma vanité qui prétend que je n'ai nul besoin de cela pour exercer ma vigilance au quotidien : je suis trop fort dans ce domaine.

       Vigilance, sensibilité à tout ce qui est, à l'intérieur de moi, à l'extérieur de moi. Observation, curiosité, analyse ; goûter, explorer, découvrir.

       Goûter la texture exacte qui constitue mon chemin, jusqu'à m'apercevoir qu'il n'y a pas, réellement, de chemin et que tout est déjà là.

       Mais ce serait une fausseté de réciter ceci,  qui ne serait qu'une idée et un rêve de plus, me voilant, me volant, donc, encore davantage, la Réalité, avant de l'avoir expérimenté, goûté par moi-même, perçu, senti, vu.

      Alors : observer, expérimenter, si la méditation est, ou non  pour moi-même, exactement tel que je suis maintenant, un outil de grande valeur pour muscler ma capacité de vigilance. Suis-je vraiment capable, aujourd'hui, maintenant, de pratiquer cette vigilance au quotidien sans, quelquefois, m'asseoir sans autre objet d'observation que moi-même?

       Donc, chaque jour, s'asseoir, pour faire un peu de rien, expérimenter, examiner, en toute honnêteté et avec une sensibilité très aiguisée, vraiment, si cet outil m'appartient, dans ce que je peux encore ressentir aujourd'hui comme étant une Voie. En évitant de laisser la paresse, la vanité, les habitudes mentales, préconçus et autres croyances (que je pourrais prendre pour des réflexions), ou même un autre (serait-ce un Autre que j'aurais décidé d'appeler Maître),  répondre à la place de ma sensibilité.

     

  • La Vigilance

        Ne pas se tromper sur la compréhension de la vigilance.

        La vigilance , c'est un état d'éveil tranquille. Etre conscient de tout, à l'intérieur comme à l'extérieur, et de la connexion profonde entre les deux ; dans une grande détente, acceptation, sans mot, de tout ce qui est, tout ce qui est en train d'advenir, maintenant. La vigilance n'est pas un état d'alerte, teinté de défiance. Ce n'est pas "attention!". "Attention !" est un des grands mots du commentateur intérieur, celui qui a intériorisé tous ces "attention!", entendus, puis répétés, toujours à mauvais escient. Il n'y a à faire attention à rien. Il y a à être éveillé à tout.

        Pendant mes cours de yoga je dis souvent, pendant les relaxations : "Portez votre attention sur...". Je m'aperçois que je devrais changer ce mot, tant il est chargé de la perversité du commentateur intérieur. Attention, l'état d'alerte, nous volent notre vie. La vigilance, l'éveil, nous ouvrent à tout. Se réveiller, tout simplement, pour accueillir la nouveauté inconnue de chaque jour. Personnellement, je vais être vigilante à la dissolution de tous ces attention ! en moi. M'installer, en toute confiance, dans un état d'inattention conscient.

         A suivre

  • La compassion, un chemin d'ouverture

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       La compassion est entière, complète, pour tous, toujours, ici et maintenant, ou n'est pas.

       Prendre conscience des connexions de tout dans le grand Tout peut être à la fois un outil et un indice d'ouverture sur le chemin.

       La vague prend conscience qu'elle se fond dans l'océan où chacun de ses mouvements est en connexion avec ceux des autres vagues.

    Quelques agitations de la pensée d'une vague cherchant à se reconnecter avec le mouvement des grands  fonds :

      Si la compassion fait des choix, c'est toujours sur la base d'un refus : elle n'est alors qu'une illusion destinée à tranquilliser  un petit ego se croyant très reluisant par les quelques services qu'il rend dans le cercle étroit de ceux qu'il identifie comme être siens.

       Les multiples refus s'expriment par l'abstention ou par des négations et identifications très étroites : "je suis ceci et pas cela, je fais ceci, donc je ne peux pas faire cela". Ces refus nous coupent de notre véritable essence qui peut se faire jour en saisissant toutes les connexions, en sachant reconnaître, recevoir et répondre, avec ouverture, à toutes les situations qui se présentent, qui sont en nous, qui sont nous, que nous avons attirées, comme un défi et une opportunité, pour nous réaliser en tant qu'Etre appartenant au Monde, dans toute sa dignité et majesté. Opportunités, cadeaux de la vie, auxquels nous tournons souvent le dos sans vouloir y répondre, ou en y répondant par des négations, par l'exclusion : " J'aime le monde entier, mais pas ma belle-mère, tout de même, parce que...". Je n'aime personne. Nous ne pouvons pas exclure, répondre par la négation, tourner le dos, refuser, sans nous exclure nous-mêmes du cercle sacré de la grande connexion dans le Tout et, ainsi, nous rétrécir dans l'identification à des limites très étroites : une vague qui croirait avoir une indépendance par rapport à l'océan, avoir des décisions propres pour pouvoir nager dans tel courant  mais pas dans celui-ci, exclure,  refuser l'amitié à l'une de ses soeurs, sous des justifications fallacieuses, pour en garder davantage pour une autre.  Les deux vagues sont l'océan, c'est seulement l'aveuglement qui dit ceci mais pas cela, et enferme la vague dans un courant d'illusion colorée de petitesse et la coupe des ressources disponibles dans le grand Tout dont elle fait, en réalité, partie. La vague, toute fière, croit se libérer par de magnifiques choix et décisions (ceci, mais pas cela), et transporte, en réalité, sa prison partout avec elle, toujours la même.

       Mais de quoi donc suis-je en train de parler? - de moi-même, bien sûr, toujours : on ne rêve toujours que de soi.

    Voici une histoire cheyenne qui exprime les choses beaucoup mieux que tout le bavardage qui précède :

       Un chasseur cheyenne revenait de la chasse avec la viande d'un cerf qu'il portait emballée dans la peau de l'animal. C'était une période de famine et même si cela n'était pas suffisant pour nourrir la tribu entière, il était content de ramener un peu de nourriture. Sur le chemin de retour au village, il entendit une chanson magnifique qu'il n'avait jamais entendue aupararavant. Il se rendit vite compte que c'était un chant en cheyenne. Il se dirigea vers cette voix et déboucha sur une petite vallée où il aperçut une louve avec ses louveteaux, à côté de leur tanière. Ils étaient maigres et malades car ils n'avaient pas mangé depuis longtemps. Tous les animaux étaient faibles et avaient absolument besoin de manger pour survivre. Le chasseur comprit vite la situation et, sans hésiter, coupa un morceau de viande et l'offrit à la louve qui en mangea un peu puis laissa ses petits manger le reste. Le chasseur se remit en route, heureux de son geste, même s'il avait moins de nourriture à rapporter au village.

       La nuit même, le jeune homme vit en rêve une femme magnifique, avec de longs cheveux noirs et vêtue d'une robe de peau blanche avec de longues franges... Elle lui parla : "Aujourd'hui, tu as sauvé mes enfants et moi grâce à la nourriture que tu nous as donnée. Nous sommes tous liés dans le cercle sacré de la vie que tu as su respecter, aujourd'hui, avec générosité. Pour cette raison, je te donne le chant de l'esprit des loups et si tu chantes quatre fois aux esprits des quatre directions durant la chasse, tu trouveras toujours de  la bonne nourriture pour ta famille. Ecoute-le bien encore une fois et retiens-le".

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  • Pratiquer seul ou en groupe ?

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    Dans quelle mesure la pratique (de la méditation, des asanas, de la sadhana) en groupe est-elle utile, nécessaire, profitable ou encore, sous certains points de vue peut-être, quelquefois préjudiciable, c'est sur cela que je voudrais poser quelques interrogations et quelques pistes aujourd'hui.

       Les yogis aiment souvent pratiquer en groupe.

       Pourquoi?

       Selon mon expérience, que ce soit pour les cours de yoga ou pour la méditation, l'on est porté par l'énergie du groupe, surtout quand celui-ci  pratique toujours dans un même lieu, et les expériences y sont plus fortes, plus profondes. Cette expérience, infiniment douce, réconfortante, gratifiante, pousse à  revenir, encore et encore, pratiquer en groupe pour prendre son bienheureux  bain de transcendance et, quelquefois, choisir de ne plus sortir du bain.

       Dans certains cas, pour les personnes peu courageuses et facilement enclines à laisser tomber leur pratique, la pratique en groupe peut-être aussi un bon outil de soutien pour persévérer, aiguiser les facultés de courage et d'assiduité.

       Cette pratique d'exercices en groupe, peut s'étendre à toute une vie. Certains aspirants, deviennent moines ou séjournent, sans devenir moines, en permanence  dans un ashram. C'est toute leur vie qui est soutenue par l'énergie du groupe. Dans un monastère zen, chaque instant de la journée, et toute activité, sont définis avec précision, introduits par le son du gong et de divers autres instruments, il n'y a plus qu'à se laisser couler dans le rythme, abandonnant toute initiative personnelle.

       J'ai vécu, moi-même, certaines périodes de ma vie dans ces conditions.

       Et si on ne pratique plus en groupe, se retrouvant seul avec sa pratique et sa vie? A t-on gagné davantage en profondeur dans la pratique, gagné davantage en sagesse, en liberté, en autonomie?

       C'est ce qui ne me semble pas, aujourdhui.

       Se muscler seul pour trouver l'énergie de pratiquer les asanas, la méditation ; se muscler seul à la vigilance. Le résultat ne se perd pas, quelles que soient les conditions.

       Ce serait peut-être comme toujours pratiquer la posture sur la tête contre un mur.

       Pourquoi faire cela? - Parce que l'on a peur. Ou parce que l'on veut une posture parfaite, bien alignée, tout de suite.

       On peut ainsi rester contre un mur toute sa vie. Avec le temps, la posture contre le mur devient de plus en plus droite, presque parfaite.

       Et si on enlève le mur ? (surtout si l'on a pratiqué  contre celui-ci , pendant un an, deux  ans, plus quelquefois) - Eh bien, on ne peut rien faire. "J'ai besoin  de mon mur : j'ai fait des progrès mesurables avec lui, je veux mon mur. Il n'y a qu'à voir ceux qui pratiquent sans mur : ils sont tout tordus. Je suis un adepte du mur, qui m'a tant donné, et je fais partie de la famille des pratiquants du mur, qui en témoignent tous le même bien, et sont tous très droits. Hare le Mur".

       Se servir du mur, oui pourquoi pas, deux ou trois fois, dix fois tout au plus, pour prendre confiance. Plus tard, lorsque l'on parvient à monter dans  la posture complète, y revenir, quelquefois, pas trop souvent, à l'occasion,  pour redéfinir l'exactitude de l'alignement, d'une autre façon. Oui. Diversifications des procédés.

      Mais, très vite, se passer de ce mur. La colonne vertébrale peut être en S, mal placée, on peut mettre  plus de temps pour monter  dans la posture complète. Mais le corps trouve, jour après jour, sa force en lui-même, ses sensations d'alignement en lui-même. C'est long, courageux, mais le résultat, c'est davantage de force et, par dessus tout, encore une fois, l'autonomie. Cela ne se perd pas.

      Autre raison invoquée pour pratiquer sa sadhana  en groupe : ce qui est appelé "la fréquentation des Sages".

       Avoir le darshan d'un véritable Sage, séjourner auprès de lui, peut-être complètement décisif dans une vie. Jusqu'à  ce que l'on puisse se tenir debout, seul.

       Passer sa vie dans ce que l'on identifie comme sa famille spirituelle, ses frères et ses soeurs, peut-être très plaisant, et pourquoi s'en priver, si cela correspond à ses inclinations. Mais cela relève de tout autre chose  que de la fréquentation des sages. Quel que soit, l'ashram, le temple, le monastère qui a été élu pour y passer sa vie ou pour y faire des retraites, et le temps de sadhana de certains séjournants, il n'y a souvent, en tentant de considérer les faits avec honnêteté, pas plus de raisons d'appeler un sage un frère ou une  soeur, permanents ou en séjour (tous en chemin, quelle que soit la place attribuée à certains selon la hiérarchie du lieu) , que toute autre personne ne pratiquant rien de ce qui est communément rattaché à une sadhana spirituelle. Simplement, dans ce type d'endroits, tout le monde pratique la même chose, au même moment, sur le fond de certains présupposés communs de philosophie, pour ne pas dire, quelquefois, de croyances. C'est un type de vie qui peut être celui qui nous correspond, pour une période ou pour toute la vie, mais qui n'a pas grand chose à voir avec ce qui est appelé la fréquentation des Sages. Et que je ne crois pas, aujourd'hui, nécessaire au déroulement d'une sadhana efficace, quelquefois, il me semble même qu'il peut être préjudiciable, dans certains cas, au bout d'un certain temps, en enfermant dans des habitudes et un confort, en excluant des aspects de la vie avec, souvent, un jugement de valeur à la clé ("négatif", par exemple) : il peut ainsi rigidifier, scléroser, restreindre, au lieu de libérer, et ceci avec les meilleures intentions du monde et au prix de grands efforts.

       Se coltiner, au quotidien, avec les personnes, les lieux, les plus dissemblables dans leur mode de vie  et pratiques que  les siens propres, pourrait, peut-être bien, être beaucoup plus formateur. Parcourir, expérimenter, goûter, pleinement, sans défense et sans réserve, ce qui est premièrement perçu comme des contraires, jusqu'à percevoir l'illusion de cette dualité, englober tout, se fondre en tout, nager à l'aise avec tout courant qui se présente, soutenu  toujours par le même flux de Vie.

       Encore une fois, cela revient à travailler sans le support du mur pour la posture sur la tête.

       Difficile, long, périlleux, et le corps trouve sa sensation et sa force seul. La force que l'on a trouvée est plus grande. L'autonomie est gagnée. L'autonomie, but de la sadhana.

       Alors ?

       Peut-être une habile combinaison et alternance des deux, privilégiant, selon ma sensibilité aujourd'hui, le chemin parcouru de manière autonome, où bientôt le support pourrait ne plus être d'aucune utilité, jamais; et tant mieux. Pas de famille spirituelle, pas de famille, pas de frères et soeurs, ni même de cousins. S'exposer à tout, dire Oui à tout. Ne se protéger de rien.  A l'aise, partout, toujours. Unité avec le grand Tout.  Et s'exercer à Cela, à cette grande ambition, peut commencer maintenant, a tout profit à commencer dès maintenant. Ambition et Audace.

       Suivre ses inclinations, oui ; donner à son histoire personnelle, à ses demandes et à ses faims, toute satisfaction ; se servir, momentanément, de toutes les aides rencontrées, en varier. Puis les laisser aller, s'en dépouiller, comme de tout le reste. Et  ne pas, par confort, aller croire, puis déclarer nécessaire quelque chose qui n'est peut-être que de l'ordre d'une inclination, peut-être même d'une nostalgie, personnelle ou collective.

       Aujourd'hui, dès maintenant, je sonne moi-même, à chaque instant, le gong , je suis à l'écoute de ce gong intérieur qui me rappelle à la Vigilance, dans tout ce que je fais, tout ce que je vois,  tout ce que je suis, tout ce qui se présente devant moi, à chaque instant, et que j'accueille avec un grand Oui, tout ce qui EST.

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